Cercles d’enfants conteurs

« Le conte apprend à l’individu la structure logique de tout discours. Or, il se trouve que dans les contes, tous les buts à atteindre correspondent à des codes de comportements de la société, lesquels ne font pas l’objet d’une analyse théorique. Ainsi, cette transmission, qui se fait dans le plaisir et inconsciemment, mène l’enfant à apprendre intuitivement comment se comporter en tant qu’être social. »

Suzy Platiel, ethnolinguiste, maître de recherche au CNRS

Les Cercles d’Enfants Conteurs

BREF HISTORIQUE

Suzy Platiel est une ethnolinguiste africaniste du CNRS.
De 1967 à 1969, son travail de linguiste l’a amenée à partager la vie quotidienne de la société san, population Mandé du Burkina Faso de tradition exclusivement orale. Elle y a découvert le rôle essentiel que jouait le conte dans l’éducation des jeunes sanans, les conduisant à devenir des adultes accomplis, bien intégrés dans leur société.
De 1984 à 1987, afin de vérifier ses hypothèses sur la fonction éducative du conte, elle est intervenue régulièrement en milieu scolaire, du CP à la sixième, auprès d ‘élèves issus de milieux sociaux très divers.
Par ailleurs, pour reproduire le modèle san d’éducation à travers les contes, elle a impulsé la création d’ateliers permettant aux enfants d’être témoins d’adultes racontant.

« Les enfants apprennent en écoutant les adultes, puis en pratiquant entre eux. »
Suzy Platiel

Ce sont ces ateliers qui inspirent le dispositif actuel des cercles d’enfants conteurs.

DÉFINITION

Les cercles conteurs sont des groupes créés pour partager un répertoire commun issu de la littérature orale (contes, comptines, devinettes…).
Il ne s’agit ni de former des conteurs, ni de préparer un spectacle, mais de permettre à chacun,
enfant, adulte, de s’approprier ce répertoire, en y apportant sa voix et sa personnalité,
et de partager un véritable plaisir commun.

COMMENT ?

– Assis en cercle, les participants, enfants, adultes écoutent et réécoutent des contes transmis
oralement par le conteur (sans le support d’un livre).

– Les histoires proposées sont des contes traditionnels de diverses cultures.

– Au fil du temps, chacun aura l’espace nécessaire, s’il le souhaite, pour conter à son tour
l’un des contes écoutés.

– Les séances nécessitent un cadre sécurisant pour encourager et accompagner la prise de parole (régularité, rituels, respect et étayage de la parole, bienveillance à l’égard de la personne qui conte).

– Tout se vit au sein de ce « temps et espace de parole ».
Il n’y a pas d’utilisation à posteriori de ce qui a été dit.

– Aucune remarque n’est faite sur le contage (prononciation, vocabulaire, syntaxe,
formes verbales, etc…). L’amélioration de la langue se fait au fil des séances,
de manière inconsciente, par imprégnation, en réécoutant les contes.

– La personne qui conte peut solliciter de l’aide, si elle en ressent le besoin.
Cette aide est donnée par celui ou celle qui le souhaite.

POURQUOI ?

Pour construire l’être individu et l’être social
Pour construire l’être individu

En apprenant à structurer sa pensée et à maîtriser la parole par :

  • Le développement de la capacité de concentration et d’abstraction.
  • Le développement de la capacité de mémorisation liée à l’imprégnation et à l’appropriation
    (et non au par cœur).
  • Le développement des compétences langagières (vocabulaire, construction de la phrase,
    emploi des temps, différence entre récit et dialogue).
  • L’acquisition du langage d’évocation, de symbolisation.
  • Le développement de sa capacité à se faire des images mentales.
  • La progression en compréhension et l’apprentissage du raisonnement logique (relations cause/conséquence).
Pour construire l’être social et l’être humain
  • En apprenant à écouter le langage du corps, le sien et celui de son interlocuteur, afin d’en tenir compte dans son propre discours pour le modifier si nécessaire.
  • En construisant dans le plaisir, l’écoute et le respect de l’autre au sein d’un groupe, ce qui développe le lien social, la solidarité et le sentiment d’appartenance à une même société.
  • En s’appropriant, à travers les messages du conte, les codes de comportement de sa société.
  • En prenant connaissance du patrimoine immatériel de l’humanité.

Le cheminement du conte entre individualité et humanité…

« C’est la spécificité particulière du genre conte qui va permettre à l’enfant de se sentir, au delà de son individualité et de sa culture, un être humain semblable à tout autre être humain. Comment ?
La personne qui raconte n’est pas propriétaire du conte qu’elle raconte, elle n’est qu’un passeur qui est là pour transmettre, et chacun a le droit de se l’approprier avec son vocabulaire, son émotivité,
sa créativité et la façon dont le conte a résonné en lui en tant qu’individu. Or, chaque individu le reçoit toujours au sein d’un public avec qui il partage le plaisir d’écouter des contes et, dans le même temps,
il sait que chacun a le même droit que lui de se l’approprier pour le raconter à son tour.
Et ce plaisir partagé sans désir de possession exclusive mais au contraire avec le désir de faire partager son plaisir à d’autres crée une solidarité qui dépasse le cercle étroit de son propre groupe,
d’autant que les mêmes thèmes se retrouvent dans le monde entier, car ils expriment
le fondement de ce qui est la spécificité de l’être humain. »

Source : « La parole partagée, la parole échangée, base et tissu du lien social
et de l’affirmation de son identité », Suzy Platiel, CNRS, France, juin 2013.
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Présentation des cercles d’enfants conteurs (version PDF imprimable 2 pages)